atelier cinéma à la Maison des jeunes Serge Christoux (OMJA)

Points de vue cinématographiques sur Aubervilliers

Séance 3 / atelier écriture - mercredi 22 janvier 2014

lundi 22 septembre 2014, par Antonia Lair, Léa Longeot

Troisième séance : Mamadou, Andy, Ali et Ousseni sont là.
Comme chaque début de séance, Léa demande aux garçons de se remémorer le travail réalisé la semaine passée.
Ali : « On a vu le reportage sur la cité Vallès, et comment les médias utilisaient l’image négative de la cité pour véhiculer leurs idées. Ousseni, tu te rappelles ce que l’on a fait la semaine dernière ? »
Ousseni : « On a parlé des thèmes de nos textes. »
Marwan arrive, Léa l’intègre immédiatement à la conversation et lui pose la même question. Marwan répond : « On a récité nos textes et on les a étudiés. »
Ensuite, Léa explique le déroulé de la séance. Il s’agit aujourd’hui d’analyser des images de cinéma.


La semaine dernière, Léa et Felice ont présenté des reportages réalisés pour la télévision. Aujourd’hui, ils ont sélectionné deux films de cinéma et un documentaire produit par la télévision albertivillarienne, AuberTV, sur le quartier du Landy et sur Aubervilliers.
Cette fois, l’objectif est d’aller plus moins dans l’analyse du travail audiovisuel.
Un grand tableau est affiché au mur avec les différents points à observer : lieux, personnages, actions, thèmes, message, son, image (plans et mouvements) et le point de vue de l’auteur (la relation à l’objet du film).

Première séquence : extrait d’un documentaire d’Eli Lotar, avec des commentaires de Jacques Prévert, "Aubervilliers", 1945.


Lieux filmés : rue, caniveaux.
Léa : « Le fait de détailler l’image, c’est là que l’on voit la richesse ou pas d’un film. »
Dans cette séquence, les images ne sont pas claires, ni expressives. On voit des rues mais on ne sait pas de quelles rues il s’agit, aucun élément permet de les identifier, ni même ne donne des indices.
Felice : « Comment sait-on que c’est à Aubervilliers ? Si on enlève le son, cela peut être n’importe où. Quand l’image est faible, on peut s’aider avec le son. »
Felice lance une nouvelle fois la séquence à l’écran.


Andy reconnaît finalement une rue, il s’agit de la rue Bengali, près de la maison de Michel !
Personnages : des enfants.
Marwan complète le tableau avec les réponses données.
Léa tente de montrer comment on analyse le point de vue de l’auteur : « Ce film s’adresse à ceux qui ne connaissent pas Aubervilliers. Il est très explicatif par le biais du discours de la bande son. »


Andy : « C’est le son qui porte l’image. »
Felice « Oui, l’image ne dit rien, on voit des enfants qui jouent. »
Le son est constitué d’un discours clamé et d’une chanson : « Gentils enfants d’Aubervilliers, gentils enfants des prolétaires, gentils enfants de la misère… »


Léa : « On catalogue les gens, on les met dans des cases. »
Felice : « C’est un peu dénigrant. Donc pour le message, qu’est ce qu’on écrit ? Le réalisateur veut faire passer quoi ? »
Léa : « Il le définit précisément, c’est la misère, les ouvriers… »
Ali : « Il catalogue »
Léa : « Son objectif, c’est de dire qu’à Aubervilliers, c’est la misère. Définir une ville uniquement du point de vue de la misère, du point de vue social. »
Ali répond d’une façon un peu ironique : « Ils l’ont tellement dit, que l’on croit que c’est vrai ! Qu’il n’y a que de la misère ! »
Que peuvent engendrer ces points de vue réducteurs ?
Ces reportages entretiennent une image très réductrice des quartiers, qui ne leur permet pas d’évoluer, bien au contraire, elle les fait stagner.


Ali : « Nous, nous sommes en rébellion par rapport à cela. »
Léa : « Le narrateur, il ne vit pas à Aubervilliers, il regarde la misère, puisqu’elle existe, c’est le quartier le plus pauvre de France, c’est une réalité. Elle existe mais on ne définit pas les gens par cela. Les gens, ils sont autre chose que cela. »
Felice : « Dans vos chansons, il y a aussi la misère, mais vous n’en parlez pas de la même manière. »
Ali : « Parce qu’en général, dans les chansons de rap ou des jeunes de quartier, il est dit que c’est la misère, c’est un constat qui est fait. Mais ils disent ce qu’ils peuvent faire ou ce qu’ils font pour se sortir de la misère. »
Andy : « Il y a toujours une solution à la fin. »
Léa : « Oui, et il y a une pensée du monde qui nous entoure. La vision dans ce film est très réduite. »

Deuxième extrait, tiré du film "Les Enfants des courants d’air", de Edouard Luntz, tourné entièrement dans le quartier du Landy, en 1959.
A travers cet extrait, Felice et Léa veulent montrer une séquence opposée à la précédente. Une séquence sans paroles, sans discours plaqué sur les images. Cette fois le cinéaste montre la vie du quartier à l’époque (1959), il montre qu’il y avait déjà des étrangers, des Espagnols, des Maghrébins… On trouve des liens avec ce qu’est le quartier aujourd’hui, son histoire se tisse avec toute sa richesse.


Felice : « Dans cette séquence sans paroles, le cinéaste montre plus de chose que dans l’autre film, non ? »
Andy : « Il y avait des maisons en bois. »
Felice : « Et la langue que l’on entend ? »
Andy : « Espagnol, parce qu’avant, c’était un quartier où vivait des Espagnols »
Léa : « On voit beaucoup d’adultes en activité. »
Ali : « Il y a une dame qui tricote, une qui donne le biberon, une qui fait la lessive. »
Léa : « Là, il y a de la misère mais ce n’est pas cela que l’on retient. Ce que l’on retient c’est qu’ils sont organisés, qu’ils sont en activité, comme tout le monde en fait. »
Felice : « En cinq minutes, il nous a raconté plus de chose que dans l’autre séquence, et il n’y a pas de dialogue, c’est juste de l’image et du son en prise directe, il n’y a pas de paroles, pas de discours. »


Léa : « Et avec les lettres, le courrier, ce n’est pas par hasard que le cinéaste ait choisi ce moment-là. C’est pour montrer le fonctionnement communautaire. Et puis, les gens sont nommés. Parce que dans l’autre film, ce qui est frappant, c’est que les gens n’ont pas de nom. »

Felice montre un autre extrait du même film. On y voit des enfants qui emmènent un vieil homme à l’hôpital dans une brouette.
Les animateurs sont frappés de voir que le quartier a toujours été pauvre.
Andy : « Cela a toujours été un quartier de bidonvilles. On a toujours été pauvre en fait. »
Ali « Cela n’a pas changé. »
Felice prend le relais pour écrire au tableau.
Lieu : quartier espagnol.
Action : moments de vie, vie quotidienne.
Son : musique, bruits de la vie.
Léa demande en s’adressant directement à Marwan : « Qu’est-ce que tu retiens du message ? »
Marwan : « Que les gens, ils font avec ce qu’ils ont. »
Ali : « C’étaient des gens débrouillards. C’est le système D. »
Léa : « On voit des gens qui se débrouillent bien en fait. Les gamins, ils ont le sens des responsabilités. L’auteur est fier des gamins, cela se voit dans la manière dont il les filme. »
Felice : « A la fin, quel est le message de ce film ? Marwan a dit la débrouille. »
Andy : « Le sens du respect envers les personnes âgées. Ils ont improvisé en fait. Ils pensaient que le vieux allait mourir, ils l’ont emmené à l’hôpital. »
Léa : « Dans la débrouille, il y a un art de l’improvisation, d’inventer au fur et à mesure. »


Andy : « Pour moi, c’est un message qui fait réfléchir. Il nous montre comment c’était avant. »
Felice : « Pour moi, ce qui est important c’est qu’il montre une communauté. Je ne sais pas s’il y encore cela dans le Landy aujourd’hui ? »
Ali : « Un peu. »
Léa : « Quand on a fait des entretiens dans le quartier il y a un an, c’est ce que les gens disaient, que le Landy était comme un village et qu’il y avait encore aujourd’hui de la solidarité. »


Le troisième film date de 1992, « La famille du Landy », réalisé et produit par AuberTV (association albertivillarienne).
Felice lance la projection. Les garçons reconnaissent quelque chose à chaque plan : un lieu, une personne, un commerce, etc. Ali remarque : « Ca, c’était le centre de loisirs avant, dit Ali, le chemin pour aller à l’école, car avant il n’y avait pas d’école au Landy. L’école Robert Doisneau a été construite fin des années 90. »
Ce film montre le Landy de l’intérieur, du point de vue des habitants.


Andy écrit au tableau.
Personnages : enfants, habitants.
Les actions : la fête du quartier, les enfants qui jouent, des sorties d’écoles, un enfant qui se promène dans le quartier.
Les thèmes : la famille, cela rejoint le thème précédent (communauté), différentes nationalités.


Youssef arrive, il avait été retenu pour un rendez-vous. Malheureusement, la séance touche à sa fin.
Léa veut continuer sur les points de vues des auteurs des trois films présentés. Mais au bout de presque deux heures d’analyse de séquence cinématographique, Marwan qui est là depuis le début, n’est plus très attentif. Ali et Mamadou expriment la difficulté d’une analyse aussi longue par rapport à la concentration. Ali propose d’intégrer quelque chose de plus ludique plutôt que de passer l’intégralité de l’atelier à faire de l’analyse : « Il faudrait trouver un moyen plus attrayant pour mettre en pratique et que les jeunes s’accrochent, qu’ils aient envie de venir, qu’ils n’aient pas l’impression d’aller à l’école. »
Felice propose alors de commencer par la pratique.
Pas facile de gérer le rythme des séances. L’analyse est primordiale pour ce travail mais au moment où la concentration n’est plus là, on perd vite l’attention des garçons, malgré la richesse des échanges de cette séance.

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