Transversalité coopération et institution - Le champ des formes le cadre
6 et 7 juin 2003
samedi 19 juillet 2003
La première table ronde intitulée « La transversalité, comment ça construit ? (le champ) » est le premier volet des questionnements abordés : dans quelle mesure la mise en œuvre de la « transversalité » contribue-t-elle à la transmission et à la mise en question des savoirs, mais aussi au montage des projets présentés ? Deux architectes et un artiste ont présenté des actions à caractère pédagogique ou de médiation sociale : le chantier-école à La maison de l’arbre de Montreuil (Guy Naizot, architecte à La parole errante), l’intervention s’est centrée sur la relation entre « le faire et le pensé » ; une expérience de médiation dans une cité HLM de la ville de Boulazac en Dordogne (Agathe Tournier, architecte à l’association Bruit du frigo) ; et une pratique artistique de transmission et de « déterritorialisation » reposant sur le projet « Suivez l’accent » (association Les Chaudrons présentée par André Minvielle). Ensuite, une chercheure en sciences de l’éducation a exposé une enquête sur les relations des jeunes aux institutions (« Jeunes de la culture hip-hop », Véronique Bordes, Université Paris 12 Nanterre) et un sociologue a proposé une réflexion sur la place et le rôle de la transversalité dans la démocratie (François Lautier, sociologue et enseignant chercheur à l’Ensaplv). Dans les échanges, la transversalité a été envisagée de différentes manières, depuis les méthodes d’intervention jusqu’à la relation aux publics par exemple.
La deuxième table ronde titrée « La coopération, comment ça travaille ? (des formes) » est venue prolonger les débats sur la manière dont les diverses collaborations engagées par les structures invitées leur permet de faire évoluer les outils, méthodes de travail voire même d’innover. Deux architectes sont intervenus au côté d’une élue et d’un éducateur. Le premier architecte est venu présenter une démarche de coopération internationale et de développement à travers la création d’un lieu (« Des partenariats pour un projet en Inde », Ludovic Jonard, architecte à l’association Architecture et Développement de l’Ensaplv) et la deuxième architecte, responsable du pôle pédagogie de la fédération nationale des Conseils en Architecture Urbanisme et Environnement (CAUE), est intervenue sur les actions pédagogiques en milieu scolaire impliquant de multiples coopérations avec les habitants, les élus, les enseignants et entre les CAUE (« Le positionnement des CAUE », Agnès Frapin). Ensuite, l’éducateur et directeur d’un Foyer EMMAUS à Paris, a décrit son parcours ponctués d’actions coopératives (« Des classes vertes en autogestion à un groupe de santé communautaire en passant par un groupe de paroles de parents prisonniers », Mustapha Bektaoui). Et enfin, l’élue a présenté l’expérience démocratique singulière du budget participatif de Porto Alegre (« Le livre des habitants de Porto Alegre », Catherine Gegout élue du 19e arrondissement de Paris et membre du réseau Démocratiser Radicalement la Démocratie). L’esprit partenarial est le fil conducteur des expériences présentées partant de la coopération internationale et des différents réseaux, aux types de collaborations au sein des collectifs de travail.
La troisième et dernière table ronde appelée « L’institution, comment ça fonctionne ? (le cadre) » a clôturé le séminaire par un échange sur les environnements de travail des invités. Des architectes et des artistes ont présenté des projets culturels ainsi que des responsables de politiques publiques engagés par le ministère de la Culture et de la communication et de l’Education nationale. Deux interventions ont tout d’abord porté sur la Ferme du bonheur, lieu de production et de diffusion culturelle accueillant la deuxième journée du séminaire : « La seule institution qui compte, c’est l’humanité » (Roger des prés, fondateur de la Ferme du bonheur qu’il a présentée comme une expérience « institutionnelle ») et « La Ferme du bonheur, une pratique du droit actif » (Patrick Bouchain, architecte et soutien à la Ferme). Ils ont exploré le processus d’implantation du lieu dans un environnement juridique et territorial spécifique. Stéphane Gatti, cinéaste et scénographe à La parole errante, a présenté un travail dans la ville de Saint-Dizier et les difficultés d’intervention dans un établissement scolaire (« L’institution "lycée" comme lieu assiégé »). Ensuite, le dispositif des classes à Projet Artistique et Culturel a été présenté par Pierre Bernard, architecte, de la mission Art et culture au ministère de l’Education nationale ; et Manuel Candré, chargé de mission Actions éducatives à la direction de l’Architecture et du patrimoine (DAPA) du ministère de la Culture et de la communication, a complété la présentation de ce paysage unique de la pédagogie de l’architecture entre 2002 et 2003 reposant sur des collaborations interministérielles importantes (« Des dispositifs aux partenariats »). Enfin, Gabi Farage, architecte à l’association Bruit du frigo, a proposé un autre point de vue sur les institutions, se questionnant sur les outils pédagogiques à inventer en leur direction du fait de leur « amnésie » (manque de transmissions sur la longue durée du fait du renouvellement du personnel et des mandats électoraux).
En synthèse des débats, Marc Bourdier, enseignant à l’Ensaplv, a proposé de relire l’ensemble des tables rondes au regard des trois paradigmes posés en tête du séminaire, tel un « programme de recherche dont l’ambition dépassait largement le cadre des rencontres ». La démocratie, l’espace du débat et de la rencontre, a été portée dans les échanges par la thématique de la relation à l’autre. De façon générale, une modification des rapports entre individus semble se faire jour dans les expériences présentées. Dans ce sens, le thème de la transversalité a mis en avant la richesse des parties prenantes dans les projets et dont les relations sont revisitées. Ensuite, l’organisation des décisions prises dans le cadre des projets et leurs applications sont venues questionner le processus des actions depuis le thème de la coopération (pourquoi et comment les décisions sont prises ?) et celui des institutions (qui et comment prend en charge l’application des décisions ?). Chaque témoignage interpellant en quelque sorte la démocratie à travers cette double épreuve.
L’éducation, dont l’étymologie renvoie à la conduite, pose de son côté la question du rôle des personnes en charge des démarches présentées. « Être au volant » et piloter des collectifs n’a pas toujours été complètement assumé par les personnes souhaitant parfois rester en retrait pour faire une place plus importante aux autres et au public souvent non professionnel. A ce titre, la synthèse a souligné des contradictions théorico-pratiques qui ont pu apparaître dans l’idéologie professionnelle de certains. Mais, même si le rôle d’« éducateur » n’a pas toujours été envisagé comme une référence, la conduite de projet est apparue une source de réflexion commune sur les méthodes.
L’architecture, quant à elle, s’est prêtée facilement à la rencontre avec la transversalité, la coopération et l’institution. Pour Marc Bourdier, elle est un domaine pluridisciplinaire marqué par des apports techniques, quantifiables et objectifs. L’architecture relève ainsi de la mesure. Ensuite, au côté des sciences exactes, elle convoque les sciences humaines enrichissant considérablement les réflexions sur l’architecture. De la compréhension des usages à l’analyse de la production de l’espace, les dimensions apportées par les sciences humaines à l’architecture sont prégnantes dans certains récits d’expériences. Et enfin, l’architecture est un domaine « artistique » empruntant à la « création » et a provoqué par exemple dans les débats des considérations esthétiques. Ces aspects de l’architecture, la mesure, l’humain et l’harmonie par exemple ont traversé les discussions dans les trois tables rondes.
Chacun des débats a ensuite mis en lumière des idées singulières relevées par Marc Bourdier. Le premier débat sur la transversalité a souligné la diversité des expertises « associées » au sein des projets, le deuxième débat sur la coopération a relevé l’importance des logiques partenariales et des relations multilatérales (en opposition à celles qui sont unilatérales) engagées par les associations et le troisième débat, remettant l’institution au centre des échanges, a montré comment celle-ci peut transformer ses façons de faire pour aider les projets émergeants au lieu d’imposer les siens.
Que ce soit au sein même des associations ou dans les rapports avec les acteurs impliqués dans les projets (partenaires et participants au sens large), la signification donnée à la relation est particulièrement invoquée. Démocratique, partenariale ou institutionnelle, elle semble cristalliser les valeurs défendues par les collectifs.