collection "architecture institutionnelle"
filiation et pensée politique
mercredi 2 mars 2011, par
Le nom de la collection créée par didattica affirme une filiation avec le courant de la pédagogie et de la psychothérapie institutionnelle.
Né en France pendant la seconde guerre mondiale, de la rencontre entre des psychiatres engagés dans la transformation de l’institution asilaire qu’étaient les hôpitaux psychiatriques (François Tosquelles à l’hôpital de Saint-Alban en Lozère, Jean Oury à la clinique de La Borde mais aussi Lucien Bonnafé, Georges Daumezon…) et Célestin Freinet (pédagogue français du début du siècle) qui développe une pédagogie coopérative qui « prépare la démocratie de demain par la démocratie à l’école », ce courant s’élargit ensuite à d’autres milieux institutionnels : prisons, entreprises, universités...
Il s’agit d’aller à l’encontre de fonctionnements hiérarchiques, sources d’aliénations sociale et psychique, afin de partager le travail et les responsabilités, et donc donner valeur de reconnaissance à l’expérience et à la pensée de tout être (qu’il soit malade, enfant, prisonnier...). C’est ainsi qu’apparaît ce qui sera appelé l’analyse institutionnelle. C’est une analyse critique et permanente de ce que les psychiatres ont appelé la « pathoplastie », c’est-à-dire ce qui fabrique de la pathologie. Cette analyse se situe à un niveau existentiel car elle tente de combattre les processus de fétichisation qui empêchent toute émancipation. Pour eux, l’analyse institutionnelle est également une praxis basée sur l’inscription de ce qui « se dépose » et « fait trace ». C’est ce qui a été appelé par Michel Balat [1], la « fonction scribe ». Cette fonction est celle de l’écriture incluant également l’image et le son. Telle une « traduction » qui crée du sens, elle permet d’atteindre le niveau singulier d’une expérience.
Aujourd’hui l’analyse institutionnelle correspond à deux courants en France, celui que nous venons de décrire de la psychothérapie et pédagogie institutionnelle et le courant universitaire qui, avec Georges Lapassade, René Lourau et Rémi Hess (Université de Paris VIII, département des sciences de l’éducation) l’a appliqué à l’ensemble des organisations. C’est par ce deuxième courant qu’est développée la méthodologie de la recherche-action, dont l’un des pionniers en ce domaine, est Kurt Lewin fondateur de la psychologie sociale américaine (années 30). Dès ses origines, la recherche-action oblige le chercheur à se concentrer simultanément sur l’action et sur la production de connaissances scientifiques. Elle se fonde sur une conception démocratique des sociétés face aux dictatures (contexte de montée du nazisme), elle étudie les phénomènes sociaux qui impliquent des acteurs responsables et développe des projets réalisés selon les principes démocratiques qui invitent tous les usagers à devenir acteurs.
Avec la création d’une collection, didattica souhaite se donner les moyens de pratiquer et de partager une forme d’analyse institutionnelle au sein de ses activités. L’architecture, pensons-nous, est un domaine de ressources privilégié pour la pédagogie et la psychothérapie dans une démocratie, car elle pose des questions de création collective, d’éthique et de citoyenneté. Le projet d’une architecture institutionnelle permet alors d’engager un travail de définition d’une action à la fois architecturale, pédagogique et démocratique. En nous appuyant sur l’analyse institutionnelle, nous souhaitons ainsi proposer un nouvel espace pour penser les pratiques de l’architecture en vue de les « démocratiser ».
La rencontre avec les domaines de la psychothérapie et de la pédagogie a donc été pour nous, architectes, l’opportunité de développer de nouvelles pratiques, et d’ouvrir finalement des orientations de recherche en expérimentant de nouvelles démarches.
[1] Mathématicien, sémioticien et psychanalyste, il a notamment travaillé sur l’éveil du coma.